Poésies

et un poème d’Eugène Bizeau

Un jour, baissant la voix, j’ai dit à mon enfant :
« Tu n’iras point porter des fleurs au monument,
Dussions-nous encourir la haine du village…
Les pauvres soldats morts à la fleur de leur âge
Ont connu sur la terre un pénible destin ;
En moi leur souvenir ne s’est jamais éteint,
Et bien des fois, tout seul, j’ai sangloté dans l’ombre
En pensant au total effrayant de leur nombre…
De tout mon coeur, amer et triste, je les plains !
Je sais qu’ils ont laissé de petits orphelins
Et de bons vieux parents que la douleur torture…
Mais je hais tellement la sinistre aventure
Dont ils sont les martyrs et non pas les héros,
Que je ne marche pas derrière leurs bourreaux !
Au lieu de prendre part à la cérémonie
Où l’on glorifiera les « morts au champ d’honneur »,
Nous resterons ici l’âme toute meurtrie,
Et maudissant la guerre et son immense horreur.

Eugène Bizeau – 1924